Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Blog du GSU

21 novembre 2014

Réforme territoriale : il est temps de vraiment débattre !

 

Carte-des-13-regions_full_colonne

(Source Gouvernement français)

 

La réforme territoriale est un texte central dans le projet du gouvernement Valls. Le Premier-ministre a en effet mis en avant ce projet de loi dans sa communication. Le débat sur la carte territoriale a de ce fait été très médiatisé. Cependant ni le débat, ni le texte ne sont à la hauteur des enjeux. Les élus défendent leur mandat. Le gouvernement veut passer un texte coûte que coûte afin de montrer qu’il fait des réformes. C’est à la gauche que l’on doit les grandes réformes de décentralisation. C’est donc à elle de parfaire cette décentralisation pour l’adapter aux enjeux actuels. Hélas, le texte proposé n’emprunte pour le moment pas cette voie.

 

Une réforme menée pour de mauvaises raisons

 

Depuis dix ans, toute une série de rapports pointant les défauts de l’organisation territoriale française ont été écrits, soulignant ainsi la nécessité d’une réforme en profondeur. Tous les partis de l’extrême gauche à l’extrême droite sont unanimes sur le fait qu’une réforme de grande ampleur est nécessaire. C’est tout à l’honneur de la gauche de s’attaquer à un tel sujet, alors que pendant dix ans la droite est demeurée impuissante face au constat. Encore faut-il que cette réforme soit faite pour de bonnes raisons. En l’occurrence, ce n’est pas le cas ici. Pressé par la Commission européenne, le gouvernement est en quête d’économies. Dans son premier discours de politique générale, Manuel Valls a fait de cette réforme territoriale l’un des principaux gisements d’économie. On passera sur le calcul injustifié et plus qu’approximatif d’André Vallini. Manuel Valls veut suivre l’exemple de Matteo Renzi et de sa réforme territoriale. La réforme italienne peut en effet être étudiée par le gouvernement français. Elle prévoit la suppression progressive des provinces (équivalent des départements), et ce également dans un objectif d’économie. Le processus législatif est plus avancé en Italie ce qui peut être intéressant pour le gouvernement français. Notamment un rapport de la Cour des comptes italienne qui a analysé les impacts de la réforme Renzi et montre que non seulement elle ne produira pas les économies escomptées mais qu’elle entrainera des surcoûts[1]. La même chose risque de se passer en France. La disparition des départements n’entrainera pas par magie une importante baisse des dépenses. Si l’on regarde le budget des départements, on constate que l’ultra majorité des dépenses concerne le versement des aides sociales (APA, APH, RSA), dépenses aujourd’hui en augmentation et incompressibles. De plus, la suppression de cet échelon entrainera des surcoûts importants à court terme (harmonisation des salaires entre les fonctionnaires territoriaux, surcoûts logistiques).

Cet objectif d’économie écarte le gouvernement des véritables enjeux de cette réforme. La loi MAPAM de janvier 2014 avait été saluée par la plupart des acteurs. Le grand progrès qu’elle avait apporté était de débloquer le dialogue entre les collectivités afin de faciliter la coordination entre les niveaux. Quatre mois après, Manuel Valls enterre cette loi MAPAM en annonçant la suppression de la clause générale de compétences, traduisant ainsi un manque de cohérence notable dans la politique territoriale du gouvernement. Les élus ont ainsi été surpris à l’annonce de cette réforme, ce qui les met sur la défensive et donc empêche un débat de fond.

  Beaucoup de choses dans ce texte traduisent la précipitation et le manque de concertation. François Hollande a déclaré qu’il voulait rendre les régions plus grandes pour les mettre à « taille européenne »[2]. Reste à savoir ce qu’est une taille européenne. Une lecture des données d’Eurostat permet de voir que sur le plan de la taille démographique et géographique, la France est largement dans la moyenne européenne. Ce ne sont pas ces tailles qui font la puissance d’une région, mais bien les moyens financiers et juridiques dont elles disposent. Sur ce plan, les régions françaises sont des naines à l’échelle européennes. Or la réforme du gouvernement ne propose aucune réforme structurelle du financement des régions ni de renforcement de leur pouvoir réglementaire.   De même, la suppression de la clause générale de compétence avait pour but de supprimer les financements croisés. Or le texte de loi prévoit que les cofinancements seront maintenus dans trois domaines : la culture, le sport et le tourisme ; domaines qui génèrent aujourd’hui le plus de financements croisés.

 

Un rendez-vous manqué

 

Une réforme de cette ampleur doit prendre nécessairement du temps. Sur la question de la suppression des départements en tant que collectivités, un réel débat doit être ouvert et qui ne se limite pas aux simples clichés ou idées simplistes diffusées par la presse sur le rôle des conseils généraux à l’heure actuelle. Les départements existent depuis 1789 et ont survécu à tous les régimes. A l’heure actuelle, leur rôle en termes d’aide sociale est incontournable. Ainsi leur suppression ne se fera pas du jour au lendemain, sans avoir au préalable repensé la vocation de chaque échelon. Il est au passage à noter que sur 9 grands rapports écrits[3] sur la réforme territoriale, deux seulement évoquent en une ligne la suppression des conseils généraux[4].

Les rapports ont montré que la suppression d’échelons n’allait pas nécessairement régler le problème des doublons. Le rapport Quentin-Urvoas de 2008 a pointé un certain nombre de sources de doublons[5]. Et si l’on regarde nos voisins européens, ce n’est pas le nombre d’échelons ou la simplicité de leur système qui fait leur efficience mais bien la capacité entre les acteurs à dialoguer. A titre d'exmple, un rapport de la Datar de 2009  décrit la complexité du système suédois mais explique que celle-ci est compensée par une forte propension au dialogue entre les échelons[6]. La loi MAPAM allait dans ce sens avec l’instauration du pacte de gouvernance territoriale que la nouvelle réforme prévoit d’abroger.

La gauche doit retrouver l’esprit décentralisateur de 1982. C’est dans les gènes de la gauche de vouloir rapprocher la démocratie et la décision du citoyen. Le gouvernement présente cette réforme comme un acte III de la décentralisation. Or dans les faits on assiste plutôt à une recentralisation du pouvoir. Si l’on lit certaines déclarations de Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls, on se rend compte que l’Etat veut par cette réforme en réalité mieux contrôler les collectivités locales. Sur la question du financement tout d’abord, Manuel Valls a déclaré que les dotations de l’Etat aux collectivités seraient conditionnées par leur gestion des dépenses et recettes[7]. Ainsi l’Etat peut imposer ses vues sur les dépenses des collectivités, actuellement très dépendantes des dotations étatiques. Sur la question de la suppression des conseils généraux. Bernard Cazeneuve a déclaré que les départements en tant qu’organismes déconcentrés de l’Etat seraient maintenus et même renforcés[8]. Il est même sous-entendu que ceux-ci récupèrent la gestion des aides sociales, compétence actuellement exercée par les conseils généraux. Ainsi les compétences exercées par les conseils généraux seraient ainsi recentralisées.

 

 

Un débat est nécessaire. Mais celui-ci ne peut pas se faire dans la précipitation. Il doit poser un certain nombre de questions simples mais nécessaires à la création d’une nouvelle organisation territoriale. Quel modèle voulons-nous ? Un Etat centralisé ou régionalisé ? Combien d’échelons ? Quels modes de financement et quels pouvoirs juridiques pour les collectivités ? Les grands rapports ont apporté plusieurs réponses. Aux élus et aux Français de débattre et de choisir celles qui leur correspondent le mieux.

 

A.L.G

[1] Corte Dei Conti, « Audizione sul D.D.L.Citta Metropolitane, Province, Unioni e fusioni de communi », 6 novembre 2013,  http://www.leggioggi.it/wpcontent/uploads/2013/11/audizione_6_novembre_2013.pdf

[2] Tribune du 3 juin 2014 publiée dans la presse quotidienne régionale : http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/reformer-les-territoires-pour-reformer-la-france/

[3] Rapports Mauroy(2000), Attali (2008), Quentin-Urvoas (2008), Balladur (2008), Gourault-Krattinger (2009), Cour des comptes (2009),  Raffarin-Krattinger (2013), Lambert-Malvy (2014), France Stratégie (2014)

[4] Attali et France Stratégie

[5] Sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, Assemblée nationale 2008

[6] « Politique et pratiques d’aménagement du territoire en Suède », Jean-François Drevet, DATAR, 2009-2010

[7] Le système de la d’attribution de la dotation générale de fonctionnement doit être réformé pour « encourager les comportements vertueux ». Annonce faite le 16 avril : http://www.acteurspublics.com/2014/04/16/manuel-valls-detaille-les-economies-sur-les-depenses-publiques

[8]  « La perspective de la suppression des conseils départementaux au-delà de 2017 ne peut s’envisager qu’avec la montée en gamme des services de l’État au niveau départemental ». Entretien du 1er juin 2014 accordé à la revue « Acteurs publics » : http://www.acteurspublics.com/2014/06/26/la-presence-de-l-etat-a-l-echelon-departemental-sera-renforcee

Publicité
8 octobre 2014

Le football sera de gauche ou ne sera pas

« Ce que je sais de la morale humaine, c’est au football que je le dois. » Si Albert Camus réitérait cette phrase en 2014, il y aurait fort à parier que sa vision de l’homme serait bien pessimiste… Transferts mirobolants, salaires qui atteignent des sommets, corruptions et sport-business, le football semble atteint d’un mal profond. Incurable, vraiment ?
 
 
 
FOOTBALL DURABLE. A l’été 2013 était lancée à l’initiative du ministère des sports une « commission pour un football durable » présidé par le député (PS) Jean Glavany. Projet aussi intéressant que vite enterré.  Pourtant les idées sont légions pour sortir le football de l’impasse dans laquelle il se trouve, en premier lieu desquelles l’actionnariat populaire. Ce projet vise à permettre aux supporters d’un club d'acquérir collectivement des participations dans le capital de celui-ci. Car les clubs sont bien plus que des entreprises classiques, ou plutôt le devraient. Générant un attachement local particulier et des valeurs humaines et sportives, ce sont de véritables biens sociaux, que l’actionnariat unique conduit trop souvent au plus grand désordre. Promouvoir l’actionnariat populaire dans le football, c’est admettre que ce sport est avant tout une affaire collective, un élément patrimonial et social. C’est aussi refuser que le club devienne hors-sol, coupé des forces vives du territoire dont il est issu. C’est enfin refuser une dépendance excessive vis-à-vis d’une seule entité, dont le départ du jour au lendemain peut provoquer la disparition brutale d’un club. C’est d’ailleurs grâce aux supporters, qui ont réussi à lever près de deux millions de livres que le club anglais de Porthmouth a pu être sauvé d’une disparition certaine, repris en main par les amoureux de ce club centenaire.
 
En Allemagne, les clubs doivent impérativement appartenir à 50% à leurs supporters. Et ce n’est certainement pas un hasard si la ligue allemande est considérée comme une des plus saines d’Europe, avec des résultats toujours aussi impressionnants, tant sportivement qu’économiquement. Car permettre aux supporters de détenir une part de leur club, c’est accroitre leur pouvoir de décision autant que soutenir un système plus éthique, démocratique et stable. «On attend souvent des supporters qu'ils payent seulement leur abonnement et regardent leur club, parfois très mal géré. Mais si on leur donne la possibilité de participer aux décisions, leur présence va responsabiliser les dirigeants » explique Ben Shave de Supporter Direct, fédération d’associations de supporters basée en Angleterre. Pourtant en France, l’actionnariat populaire reste encore modeste.
 
A coté de l’actionnariat populaire, d’autres mesures pourraient venir « réformer » le football et combattre ses maux. L’endettement des clubs d’abord, qui ne cessent d’exploser. Les deux finalistes de la Ligue des champions, le Real de Madrid et l’Atletico Madrid cumulent à eux deux le milliard d’euro de dette ! Le « salary cap » (plafonnement des salaires) déjà mis en place à Saint-Etienne ou en ligue 2 italienne permettrait de stopper la hausse des salaires. A titre d’exemple, la masse salariale du club de Manchester City dépasse les 200 millions d’euros. Plafonner les indemnités de transferts semble également la prochaine étape, tant il apparait qu’une bulle spéculative plane au dessus du monde du ballon rond. Sans aucun rapport avec le réel, le transfert de Gareth Bale vers le Real de Madrid pour un montant supérieur à 100 millions d’euros en est l’illustration. Le Fair play financier mis en place par l’UEFA* et qui consiste à sanctionner un club qui dépense plus qu’il ne génère d’argent est une première étape dans une rationalisation du football, mais qui ne suffira pas. Transparence, lutte contre la corruption, rôle des agents de joueurs, autant d’enjeux que devra résoudre les instances dirigeante du foot. C'est à ces conditions seulement que les bases d'un football durable, empreint des valeurs de gauche, pourront être posées. 
 
 
Jean-Baptiste Werquin
 
*l’UEFA, présidée par le Français Michel Platini, est l’instance dirigeante du football européen.
 
 
 
Pour plus d’infos sur l’actionnariat populaire, voir le travail colossal de l’association A la Nantaise
14 avril 2014

La suppression des APL : erreur de la gauche, menace pour les étudiants, frein pour l’avenir

 

chaunu_aides_au_logement

Source : Ouest France

Sous la pression étudiante, la droite avait reculé sur la suppression de l’allocation-logement APL pour les étudiants. Aujourd’hui, pressé par les économies et sur proposition de la Cour des comptes, la rumeur court que le gouvernement, cette fois de gauche,  étudierait la possibilité de sa suppression. Que cette rumeur soit fondée ou non, cette idée doit être écartée car voir les études supérieures comme un poids financier plutôt qu’un investissement est une erreur grave et nuisible pour l’économie.

 

Politique de gauche et politique de droite

 

Qu’est-ce qui différencie une politique de gauche d’une politique de droite ? La question aujourd’hui mérite d’être posée. Ce qui est au centre d’une politique de gauche se résume à une seule chose : la lutte contre les inégalités. Il est important aujourd’hui de le rappeler. La gauche lutte contre les inégalités : inégalités sociales, inégalité des chances, inégalités hommes/femmes, inégalités devant une économie devenue incontrôlable. Telle est la mission d’un Etat de gauche.

Sur la question précise de l’éducation,  je commencerai par cette phrase de Jean Jaurès sur la question des écoliers: « Et cependant ce seront des travailleurs, des citoyens et des hommes, et, à tous ces titres, et pour les luttes et pour les joies de la vie, ils ont droit aussi à un enseignement qui soit aussi plein et aussi complet à sa manière que celui qui est donné aux enfants de la bourgeoisie. »  Cette phrase la gauche devrait toujours s’en souvenir et s’appuyer sur elle pour construire ses politiques d’éducation. Tel doit être son objectif : faire en sorte que le fils d’ouvrier et le fils de cadre puissent recevoir la même qualité d’étude. Nous pouvons être fiers d’avoir un système qui contrairement à d’autres pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni offre des frais de scolarité si peu élevés. Si nous sommes fiers de ce système et bien conservons le et renforçons le. François Hollande pendant sa campagne avait annoncé que sa priorité serait la jeunesse et l’éducation. Cette jeunesse qui est frappée de plein fouet par la crise, le chômage et la précarité. Vous l’avez dit vous-mêmes Monsieur le Président pendant la campagne, c’est par  cette jeunesse que le pays avancera et sortira de la crise. Alors épargnez-la !

 

L’APL est un investissement et non une charge

 

Si l’APL coûte chez à l’Etat, cette dépense permet à des étudiants de pouvoir étudier. Cette allocation est d’environ 170 euros par mois pour un revenu moyen étudiant de 610 euros selon une étude BVA Sodexo de mai 2012. C’est une aide dont beaucoup d’étudiants peuvent difficilement se passer sans risquer une précarisation de leur vie quotidienne. Et ce d’autant que les logements des grandes villes universitaires tournent entre 400 et 500 euros par mois. Avec le taux de chômage important que nous connaissons tous, il devient de plus en plus difficile de trouver un job étudiant.

Ces quelques chiffres rapides permettent de mesurer l’important non négligeable de cette aide pour les étudiants. Sa suppression compliquerait le quotidien d’un certain nombre d’étudiants voire en dissuaderait de faire des études. Or des étudiants bien formés, ce sont des étudiants qui apportent une valeur ajoutée sur le marché du travail. Or investir dans l’enseignement c’est investir pour l’avenir puisque comme le dit Jaurès, ces étudiants ce seront les futurs dirigeants et entrepreneurs de demain. Sans les bourses, aides et facilités d’accès aux études, Mme Belkacem par exemple aurait-elle pu faire Sciences Po et arriver là où elle en est aujourd’hui ? Toutes ces aides permettent aux plus défavorisés d’avoir accès aux études et aux meilleurs d’entre eux d’avoir un diplôme à la hauteur de leur mérite et accès à des grandes écoles. D’autres grands pays notamment les pays scandinaves ont un système de bourses bien plus généreux que le nôtre, conscients de toute l’importance de telles dépenses.

Dans son discours de politique générale, le Premier-Ministre a déclaré vouloir redonner du pouvoir d’achat aux Français qui ont souffert de la crise. Nous ne pouvons que le suivre dans cette voie. Mais il ne faut pas oublier que 80% des revenus des étudiants proviennent encore des familles. Leur supprimer ces 170 euros c’est 170 euros de moins pour les familles.

 

Réduire les dépenses oui, mais avec un objectif de justice sociale

 

Nous savons que l’Etat a besoin d’économie. Et là encore qu’est-ce qui différencie une politique de réduction des dépenses de gauche et de droite ? Celle de gauche doit être une réduction qualitative et non quantitative. Il faut aller au-delà des chiffres et voir derrière une dépense les femmes et les hommes qui sont derrière. La droite a coupé les dépenses publiques, sans discernement sur celles qui doivent être coupées et celles qui ne le doivent pas. La gauche doit faire mieux avec toujours à l’esprit cette idée d’égalité et de justice sociale.

La mesure proposée par la Cour des comptes prévoit de maintenir ces APL pour les boursiers. L’idée de moduler ces droits en fonction des ressources pourrait paraître légitime. Seulement, tout le monde sait que le système de bourse est imparfait. Si les plus démunis doivent être aidés en premier, le système en oublie une partie des classes moyennes qui n’est pas éligible au système de bourse mais qui malgré tout ne peuvent se passer de cette allocation. Les classes moyennes ont déjà payé un lourd tribut des dernières lois budgétaires. Il serait difficile pour eux de leur enlever l’une des dernières allocations qu’il leur reste.

 

La réforme plutôt que la suppression arbitraire

 

Il est bien entendu que ce système n’est pas parfait et que des modifications sont souhaitables. Aussi la gauche est en mesure de faire ces réformes afin d’améliorer la justice du système. Des économistes tels que Thomas Piketty ont par exemple proposé la création d’un « revenu jeune » rassemblant à la fois les bourses et les différentes aides avec un socle commun pour tous les étudiants et le reste modulable en fonction des revenus de la famille. Un tel système est un exemple pour donner plus de sécurité, d’autonomie aux jeunes et à la fois une plus grande lisibilité et équité du système. 

16 mars 2014

Chrétien de gauche : une identité paradoxale ?

 

Photo article

 

L’histoire de la gauche s’est souvent construite autour du rejet du conservatisme religieux et on pourrait croire que les deux sont d’éternels ennemis. Pour autant l’histoire de la gauche serait incomplète si on en omettait celle des chrétiens de gauche, hommes et femmes qui avec leur particularité ont contribué grandement à cette histoire.

 

 

Les débats autour de la loi sur le mariage gay ont sans aucun doute produit un engagement massif des chrétiens sur la sphère politique. Mais elle a particulièrement entrainé le réveil des chrétiens de gauche et ce dans les deux camps. Du côté des antis, les Poissons roses, courant catholique du PS affirmaient la possibilité d’être de tout  en gardant une conception catholique de la famille. Du côté des pros, des mouvements comme la JOC et surtout le journal de gauche Témoignage chrétien n’ont pas hésité à affirmer leur vision à l’instar de la position officielle de l’Eglise. Ce débat a ainsi bien mis en lumière une éventuelle contradiction qui est de savoir si la foi chrétienne et l’engagement à gauche sont compatibles. Or en 2012, un livre a permis de mettre un nom sur ces femmes et ses hommes chrétiens de gauche. Il s’agit de A la gauche du Christ (2012, Seuil). Dans cet excellent livre, l’historien Denis Pelletier et le sociologue des religions Jean-Louis Schlegel retracent l’histoire de ces femmes et de ces hommes militants chrétiens de gauche contribuant ainsi à leur former une identité. Cette identité atypique des chrétiens de gauche leur a permis d’apporter une vision originale à la fois à l’Eglise et à la gauche. Qui sont ces chrétiens de gauche ? Des contre-exemples de l’opposition entre religion et idées de gauche qui repose sur la fameuse idée de Marx selon laquelle la religion serait l’opium du peuple. Les chrétiens de gauche suivent plutôt l’idée selon laquelle ce n’est pas la religion qui dénature l’homme mais ce sont les bourgeois qui ont dénaturé la religion d’après la réplique de Jean-Paul Belmondo dans Léon Morin. En d’autres termes, pour les chrétiens de gauche à travers le Christ Dieu s’est fait homme mais avant tout homme du peuple.

Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel débutent leur histoire des chrétiens de gauche en 1945. Avant cela, les chrétiens étaient déjà présents en politique notamment par la création d’un syndicat en 1919, la CFTC, et d’un parti politique, le PDP en 1921. Ces différents mouvements étaient surtout orientés sur les questions sociales et leur but implicite était de concurrencer les mouvements communistes sur ce terrain. Mais la véritable identité chrétienne de gauche va se développer particulièrement avec la Résistance. En son sein, se regroupent des mouvements chrétiens, socialistes et communistes qui vont se côtoyer, échanger. Les chrétiens vont ainsi en apprendre la volonté de transformer la société. La Résistance voit aussi la naissance du journal Témoignage chrétien qui jusqu’à aujourd’hui demeure le journal par excellence des chrétiens de gauche.

Cet engagement politique va se concrétiser à la Libération avec la naissance d’un parti démocrate chrétien, le MRP qui refuse de s’ancrer à droite. On associe à ce parti cette phrase célèbre : « Dieu n’est pas conservateur ». La création d’un parti distinct va se justifier par une caractéristique qui suivra les chrétiens de gauche durant toute leur histoire, c’est d’être comme le dit Denis Pelletier « sans domicile fixe ». D’un côté ils ne peuvent rejoindre la droite car ils se sentent profondément de gauche. Mais de l’autre côté ils sont très mal intégrés dans une SFIO et plus tard un PS empreint d’un fort sentiment laïc et anticlérical.  Paradoxalement, c’est le Parti communiste qui intègrera le mieux c’est chrétien de gauche même si un certain nombre de chrétiens de gauche intègrent le PSU lorsqu’il est fondé en 1960.

A l’intérieur de l’Eglise, les chrétiens de gauche vont également fortement s’engager. L’exemple le plus parlant est sans doute la création des prêtres ouvriers qui montre l’influence de ces chrétiens de gauche au sein même de l’Eglise. Pour se rapprocher des ouvriers, des prêtres obtiennent de pouvoir travailler à plein temps à l’usine et ainsi de s’insérer pleinement dans la vie ouvrière. Les premiers prêtres ouvriers s’engagent en 1943-1944. L’un des plus célèbres fut André Depierre engagé en 1947 et décédé en 2011. Craignant une contamination du mouvement par les communistes, l’Eglise interdit ce mouvement en 1954. Ce mouvement des prêtres-ouvriers demeure un combat emblématique de la gauche chrétienne au sein de l’Eglise.

La guerre d’Algérie illustre bien la possible convergence des valeurs chrétiennes avec les valeurs de gauche. Une grande partie de la gauche a dénoncé violemment les violences commises et notamment l’usage de la torture. Se sont joints à ce combat des chrétiens, de gauche ou non. L’exemple le plus marquant est celui de François Mauriac, écrivain emblématique de la littérature chrétienne de l’entre-deux-guerres et de l’après guerre, qui dans article publié en 1955 dans l’express a violemment dénoncé l’usage de la torture. Son combat a ainsi rejoint celui de la gauche, bien que Mauriac ne soit pas pour autant un homme de gauche.

Les années 1970 vont constituer l’heure de gloire des chrétiens de gauche. Au sein de l’Eglise, les réformes instaurées par le concile Vatican II en 1965 constituent une avancée pour les chrétiens de gauche. Il réhabilité entre autres les prêtres ouvriers. Au sein des partis politiques de gauche, ils sont désormais les bienvenus. Du côté du PC, on peut citer le fameux discours de la main tendue de Georges Marchais de 1976 : « Nous disons aux chrétiens vous avez votre foi ; nous la respectons et la respecterons dans la France socialiste pour laquelle nous luttons. »  De même François Mitterrand au congrès d’Epinay en 1971 ouvre la porte aux chrétiens de gauche. Les militants chrétiens se rassemblent au sein du PS.

Durant les années 1980-1990, l’une des figures emblématique de la gauche chrétienne c’est Jacques Delors. Il fut militant à l’Action catholique, à la CFDT puis au PSU. Le rôle important qu’il a joué dans la construction européenne en tant que président de la Commission peut le faire être considéré comme l’un des pères de l’Europe. Il s’inscrit ainsi dans la tradition démocrate-chrétienne qui a impulsé la construction de l’Europe.

.

 

Ce panorama de l’histoire de la gauche chrétienne nous montre toute l’importance qu’elle a eu à la fois dans l’histoire de la gauche et dans celle de l’Eglise. Encore aujourd’hui, on l’a vu avec l’exemple du mariage pour tous ils cherchent à faire entendre leur voix. Loin d’être une incompatibilité, les chrétiens de gauche ont constitué et constituent toujours une richesse à la fois pour l’Eglise et pour la gauche. Cette histoire montre bien la grande diversité de ce mouvement : diversité politique (certains choisissent le parti communiste, d’autres le PS) et diversité quand à la place du religieux en politique.   Aujourd’hui cette identité est menacée par deux grandes tendances de la société à savoir la sécularisation et la baisse du militantisme.  Malgré tout il reste encore aujourd’hui des chrétiens de gauche. Témoignage chrétien continue à publier et reste une tribune pour la gauche chrétienne. La JOC reste très active dans certaines grandes villes comme Paris, Lille ou Nantes.  Les prêtres ouvriers n’ont pas tous disparus, on en compte aujourd’hui environ 350 selon l’Eglise. Les chrétiens et les militants de gauche se rejoignent sur certains combats par exemple sur le soutien aux sans-papiers. Comme le dit Denis Pelletier, tous ces mouvements aussi divers qu’ils soient ont un point commun : l’action et plus particulièrement l’action sociale. Agir concrètement pour des idéaux de justice sociale, de paix, de liberté directement inspirés de la culture chrétienne.

 

Sources

Jean-Louis Schlegel, Denis Pelletier, A la gauche du Christ, Seuil 2012

France Inter, La Marche de l'Histoire,"Les chrétiens de gauche avant Vatican II", émission du 6 août 2013

France télévision, Le jour du Seigneur, "Les prêtres ouvriers de 1945 à 1969"

La Vie, "A la découverte des chrétiens de gauche", article du 14 septembre 2009

 

 

 

 

Publicité
Le Blog du GSU
Publicité
Archives
Publicité