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Le Blog du GSU
21 novembre 2014

Réforme territoriale : il est temps de vraiment débattre !

 

Carte-des-13-regions_full_colonne

(Source Gouvernement français)

 

La réforme territoriale est un texte central dans le projet du gouvernement Valls. Le Premier-ministre a en effet mis en avant ce projet de loi dans sa communication. Le débat sur la carte territoriale a de ce fait été très médiatisé. Cependant ni le débat, ni le texte ne sont à la hauteur des enjeux. Les élus défendent leur mandat. Le gouvernement veut passer un texte coûte que coûte afin de montrer qu’il fait des réformes. C’est à la gauche que l’on doit les grandes réformes de décentralisation. C’est donc à elle de parfaire cette décentralisation pour l’adapter aux enjeux actuels. Hélas, le texte proposé n’emprunte pour le moment pas cette voie.

 

Une réforme menée pour de mauvaises raisons

 

Depuis dix ans, toute une série de rapports pointant les défauts de l’organisation territoriale française ont été écrits, soulignant ainsi la nécessité d’une réforme en profondeur. Tous les partis de l’extrême gauche à l’extrême droite sont unanimes sur le fait qu’une réforme de grande ampleur est nécessaire. C’est tout à l’honneur de la gauche de s’attaquer à un tel sujet, alors que pendant dix ans la droite est demeurée impuissante face au constat. Encore faut-il que cette réforme soit faite pour de bonnes raisons. En l’occurrence, ce n’est pas le cas ici. Pressé par la Commission européenne, le gouvernement est en quête d’économies. Dans son premier discours de politique générale, Manuel Valls a fait de cette réforme territoriale l’un des principaux gisements d’économie. On passera sur le calcul injustifié et plus qu’approximatif d’André Vallini. Manuel Valls veut suivre l’exemple de Matteo Renzi et de sa réforme territoriale. La réforme italienne peut en effet être étudiée par le gouvernement français. Elle prévoit la suppression progressive des provinces (équivalent des départements), et ce également dans un objectif d’économie. Le processus législatif est plus avancé en Italie ce qui peut être intéressant pour le gouvernement français. Notamment un rapport de la Cour des comptes italienne qui a analysé les impacts de la réforme Renzi et montre que non seulement elle ne produira pas les économies escomptées mais qu’elle entrainera des surcoûts[1]. La même chose risque de se passer en France. La disparition des départements n’entrainera pas par magie une importante baisse des dépenses. Si l’on regarde le budget des départements, on constate que l’ultra majorité des dépenses concerne le versement des aides sociales (APA, APH, RSA), dépenses aujourd’hui en augmentation et incompressibles. De plus, la suppression de cet échelon entrainera des surcoûts importants à court terme (harmonisation des salaires entre les fonctionnaires territoriaux, surcoûts logistiques).

Cet objectif d’économie écarte le gouvernement des véritables enjeux de cette réforme. La loi MAPAM de janvier 2014 avait été saluée par la plupart des acteurs. Le grand progrès qu’elle avait apporté était de débloquer le dialogue entre les collectivités afin de faciliter la coordination entre les niveaux. Quatre mois après, Manuel Valls enterre cette loi MAPAM en annonçant la suppression de la clause générale de compétences, traduisant ainsi un manque de cohérence notable dans la politique territoriale du gouvernement. Les élus ont ainsi été surpris à l’annonce de cette réforme, ce qui les met sur la défensive et donc empêche un débat de fond.

  Beaucoup de choses dans ce texte traduisent la précipitation et le manque de concertation. François Hollande a déclaré qu’il voulait rendre les régions plus grandes pour les mettre à « taille européenne »[2]. Reste à savoir ce qu’est une taille européenne. Une lecture des données d’Eurostat permet de voir que sur le plan de la taille démographique et géographique, la France est largement dans la moyenne européenne. Ce ne sont pas ces tailles qui font la puissance d’une région, mais bien les moyens financiers et juridiques dont elles disposent. Sur ce plan, les régions françaises sont des naines à l’échelle européennes. Or la réforme du gouvernement ne propose aucune réforme structurelle du financement des régions ni de renforcement de leur pouvoir réglementaire.   De même, la suppression de la clause générale de compétence avait pour but de supprimer les financements croisés. Or le texte de loi prévoit que les cofinancements seront maintenus dans trois domaines : la culture, le sport et le tourisme ; domaines qui génèrent aujourd’hui le plus de financements croisés.

 

Un rendez-vous manqué

 

Une réforme de cette ampleur doit prendre nécessairement du temps. Sur la question de la suppression des départements en tant que collectivités, un réel débat doit être ouvert et qui ne se limite pas aux simples clichés ou idées simplistes diffusées par la presse sur le rôle des conseils généraux à l’heure actuelle. Les départements existent depuis 1789 et ont survécu à tous les régimes. A l’heure actuelle, leur rôle en termes d’aide sociale est incontournable. Ainsi leur suppression ne se fera pas du jour au lendemain, sans avoir au préalable repensé la vocation de chaque échelon. Il est au passage à noter que sur 9 grands rapports écrits[3] sur la réforme territoriale, deux seulement évoquent en une ligne la suppression des conseils généraux[4].

Les rapports ont montré que la suppression d’échelons n’allait pas nécessairement régler le problème des doublons. Le rapport Quentin-Urvoas de 2008 a pointé un certain nombre de sources de doublons[5]. Et si l’on regarde nos voisins européens, ce n’est pas le nombre d’échelons ou la simplicité de leur système qui fait leur efficience mais bien la capacité entre les acteurs à dialoguer. A titre d'exmple, un rapport de la Datar de 2009  décrit la complexité du système suédois mais explique que celle-ci est compensée par une forte propension au dialogue entre les échelons[6]. La loi MAPAM allait dans ce sens avec l’instauration du pacte de gouvernance territoriale que la nouvelle réforme prévoit d’abroger.

La gauche doit retrouver l’esprit décentralisateur de 1982. C’est dans les gènes de la gauche de vouloir rapprocher la démocratie et la décision du citoyen. Le gouvernement présente cette réforme comme un acte III de la décentralisation. Or dans les faits on assiste plutôt à une recentralisation du pouvoir. Si l’on lit certaines déclarations de Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls, on se rend compte que l’Etat veut par cette réforme en réalité mieux contrôler les collectivités locales. Sur la question du financement tout d’abord, Manuel Valls a déclaré que les dotations de l’Etat aux collectivités seraient conditionnées par leur gestion des dépenses et recettes[7]. Ainsi l’Etat peut imposer ses vues sur les dépenses des collectivités, actuellement très dépendantes des dotations étatiques. Sur la question de la suppression des conseils généraux. Bernard Cazeneuve a déclaré que les départements en tant qu’organismes déconcentrés de l’Etat seraient maintenus et même renforcés[8]. Il est même sous-entendu que ceux-ci récupèrent la gestion des aides sociales, compétence actuellement exercée par les conseils généraux. Ainsi les compétences exercées par les conseils généraux seraient ainsi recentralisées.

 

 

Un débat est nécessaire. Mais celui-ci ne peut pas se faire dans la précipitation. Il doit poser un certain nombre de questions simples mais nécessaires à la création d’une nouvelle organisation territoriale. Quel modèle voulons-nous ? Un Etat centralisé ou régionalisé ? Combien d’échelons ? Quels modes de financement et quels pouvoirs juridiques pour les collectivités ? Les grands rapports ont apporté plusieurs réponses. Aux élus et aux Français de débattre et de choisir celles qui leur correspondent le mieux.

 

A.L.G

[1] Corte Dei Conti, « Audizione sul D.D.L.Citta Metropolitane, Province, Unioni e fusioni de communi », 6 novembre 2013,  http://www.leggioggi.it/wpcontent/uploads/2013/11/audizione_6_novembre_2013.pdf

[2] Tribune du 3 juin 2014 publiée dans la presse quotidienne régionale : http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/reformer-les-territoires-pour-reformer-la-france/

[3] Rapports Mauroy(2000), Attali (2008), Quentin-Urvoas (2008), Balladur (2008), Gourault-Krattinger (2009), Cour des comptes (2009),  Raffarin-Krattinger (2013), Lambert-Malvy (2014), France Stratégie (2014)

[4] Attali et France Stratégie

[5] Sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, Assemblée nationale 2008

[6] « Politique et pratiques d’aménagement du territoire en Suède », Jean-François Drevet, DATAR, 2009-2010

[7] Le système de la d’attribution de la dotation générale de fonctionnement doit être réformé pour « encourager les comportements vertueux ». Annonce faite le 16 avril : http://www.acteurspublics.com/2014/04/16/manuel-valls-detaille-les-economies-sur-les-depenses-publiques

[8]  « La perspective de la suppression des conseils départementaux au-delà de 2017 ne peut s’envisager qu’avec la montée en gamme des services de l’État au niveau départemental ». Entretien du 1er juin 2014 accordé à la revue « Acteurs publics » : http://www.acteurspublics.com/2014/06/26/la-presence-de-l-etat-a-l-echelon-departemental-sera-renforcee

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